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Ines voulait aller danser dans Libération

lundi 7 septembre 2020 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Publié dans Libération, 8 juillet 2020.

Ines entre dans la danse féministe

La petite rate est invitée au grand bal de la ville, mais a-t-elle envie d’aller danser ainsi ? Ines voulait aller danser est un album féministe, à partir de 6 ans.

Soyons honnêtes, c’était assez mal barré entre Ines voulait aller danser et nous. Un peu parce que la bluette de Julien Clerc (Lili voulait aller danser) s’était imposée en mode marteau-piqueur à la lecture des premières pages de ce petit album aux couleurs pastel. Un peu aussi parce que la ville où se déroule l’histoire d’Ines la petite rate s’appelle Candy-Raton… Mais surtout parce que ces premières pages invitent – croit-on – à entrer dans un conte à l’eau de rose promettant d’être au mieux banal, au pire affligeant : Ines reçoit une invitation pour le grand bal annuel de la ville et tout d’un coup, c’est l’histoire de sa vie, il n’y a plus que ça qui compte. Qui va-t-elle inviter ? Que va-t-elle porter ? Ce bal débouchera-t-il sur un mariage avec un beau « raton loveur » ? Autour d’elle, famille et amis, qu’elle interroge un à un, lui fournissent des rêves d’emprunt et des solutions toutes prêtes.
Sauf qu’Ines n’a absolument pas l’intention de se conformer à ces injonctions normatives. Les garçons costauds qui invitent des filles en robes : très peu pour elle. D’ailleurs, elle va écouter tout le monde et puis faire ce qu’elle veut vraiment (Spoiler : inviter une fille et ensuite partir faire le tour du monde toutes les deux ! Vive la sororité !) Là où c’est fortiche, c’est que plutôt que de donner dans le cliché inverse, un miroir antisexiste d’une héroïne qui serait dure, ambitieuse, indépendante, l’autrice Manon Bouchareu, diplômée en sciences de l’éducation et enseignante en classes élémentaires, construit un personnage qui veut être elle-même tout simplement. Une égalité respectueuse des différences de sexe, d’âge et de condition : Ines entend ce que la société lui propose, digère les conventions sociales et… fait un autre choix. Posément, sans rien casser. Une histoire de différence et de tolérance sans que ces mots devenus creux ne soient jamais écrits. La maison d’édition aurait dû constituer un indice de taille (Libertalia, installée à Montreuil et revendiquée libertaire et antifasciste) : Ines voulait aller danser s’impose comme un premier manifeste féministe.

Laure Bretton