Le blog des éditions Libertalia

Rino Della Negra dans La Lettre de la Fondation de la Résistance

vendredi 22 juillet 2022 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Publié dans La Lettre de la Fondation de la Résistance, n° 109, juin 2022.

Dimitri Manessis et Jean Vigreux, deux historiens du communisme et du mouvement social à l’Université de Bourgogne Franche-Comté, retracent l’engagement et le combat dans la Résistance de Rino Della Negra (1923-1944) footballeur au prestigieux club du Red Star de Saint-Ouen. Cette biographie renouvelée du célèbre ailier droit, fils d’immigrés italiens à Argenteuil, met en lumière les nombreux faits d’armes de Rino Della Negra – plus d’une quinzaine – jusqu’à son arrestation le 12 novembre 1943. Les auteurs parviennent à faire revivre les parcours et le quotidien de ces immigrés qui, entrés en Résistance, ont basculé dans la clandestinité. Histoire tragique donc pour le footballeur Rino Della Negra, qui refusant d’obéir à sa convocation pour Service du travail obligatoire (STO), rejoint en février 1943 le 3e détachement italien des Francs-tireurs et Partisans-Main d’œuvre immigrée (FTP-MOI) sous le pseudonyme de Gilbert Royer. Il est finalement capturé puis fusillé par les Allemands au Mont-Valérien le 21 février 1944. Rino Della Negra appartient à ce qu’on appellera a posteriori la groupe Manouchian, tombé à la suite des filatures de la police française et immortalisé indirectement par les nazis à travers l’Affiche rouge.
Ce travail, très documenté, s’appuie sur des archives policières mais aussi sur des sources nouvelles issues des archives de la Seconde Guerre mondiale déclassifiées en 2015 et conservées au Service historique de la Défense (SHD) de Vincennes. Les auteurs ont également eu accès aux archives familiales et privées via la belle-sœur de Rino Della Negra.
Plus qu’une simple biographie, l’ouvrage s’inscrit plus largement dans une histoire sociale mêlant le récit de l’immigration italienne et celui des quartiers populaires en région parisienne. En suivant le parcours du jeune résistant, on entrevoit les conditions de vie et d’intégration de la communauté du quartier de Mazagran, rebaptisé Mazzagrande, à Argenteuil où vivent Rino et quelque 3 000 Italiens. On redécouvre les luttes sociales de cette communauté immigrée qui a fui le régime de Mussolini, apparaît durant le Front populaire à l’avant-garde de la lutte antifasciste et sert de vivier à la Résistance qui se développe au début de l’occupation allemande. Par ailleurs, les deux auteurs mettent en lumière les stratégies de répression des forces des brigades spéciales et des autorités d’occupation face à une « résistance de combat » qui amènent Rino à commettre son dernier acte en attaquant un transport de fonds allemand. Dans sa dernière partie, l’ouvrage revient sur les mémoires plurielles qui ont permis à Della Negra de passer à la postérité, celle de la Résistance, de l’Affiche rouge et du groupe Manouchian, mais surtout celle du Red Star où les supporters ont donné son nom à l’une des tribunes du Stade Bauer. Du fait des circonstances et de son arrestation, Rino Della Negra n’aura pourtant joué que quelques mois dans le célèbre club de la banlieue parisienne où il avait été recruté au début 1943.

Nicolas Autephe