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Super-héros, une histoire politique sur Clionautes

mercredi 21 novembre 2018 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Publié sur Clionautes, 3 novembre 2018.

William Blanc, historien médiéviste et spécialiste des cultures populaires, consacre cet ouvrage à, entre autres, Superman, Captain America ou Wonder Woman. Ce livre comprend plus de 150 illustrations dont un cahier central en couleur et on apprécie ainsi les nombreuses reproductions jointes à l’issue de chaque chapitre. Chaque chapitre commence par une petite notice qui permet de situer le super-héros concerné et l’angle de l’approche. Signalons également un index en fin d’ouvrage.

Des super-héros à lier à leur époque
L’auteur propose donc dix-huit éclairages sur les super-héros dont les histoires peuvent être rapprochées et comparées à des contes et légendes modernes. Ces super-héros sont plus que de simples personnages de bande dessinée et sont à comprendre dans le contexte. On mesure combien un super-héros doit être compris et inséré dans son époque à travers l’exemple de Captain America. Ainsi, ce n’est pas un hasard si ce super-héros est particulièrement présent dans les années 60, moment plusieurs fois tragique pour les Etats-Unis. En effet, depuis les années 40, Captain America symbolise l’unité du pays et véhicule toujours le même genre de message de cohésion. A plusieurs reprises, l’auteur évoque le Comics Code de 1954, sorte de Bible de ce qui est possible ou non pour un super-héros. L’accent est par exemple fortement mis sur une sexualité normative.

Les super-héros les plus célèbres
Savez-vous que Superman a 80 ans ? Du moins est-il apparu pour la première fois en 1938. S’il a du succès, c’est parce qu’il a « incarné d’emblée pour nombre de lecteurs l’idée selon laquelle leur pays a déjà un pied dans le futur tant sur les plans politique que technologique ». Un autre chapitre est consacré à Batman qui évolue dans un décor qui ressemble beaucoup au Moyen Age. William Blanc souligne à son propos sa plasticité car il a été capable de s’adapter à d’autres époques que celle de sa création et ainsi de survivre. L’auteur enchaîne ensuite avec Wonder Woman qui, historiquement, combattit les agents du IIIe Reich armée de son lasso magique et de ses bracelets d’or. William Blanc explique une partie de son succès par le fait qu’elle apparaît dans un moment favorable aux femmes. Son image a ensuite profondément changé, surtout si l’on pense à son incarnation télévisée des années 70, marquée par une forte charge érotique. Elle n’est pas la seule figure féminine puisqu’il y eut aussi Red Sonja la vierge rousse qui ne connut pas le même succès. William Blanc consacre également un chapitre à Iron Man qui a construit des systèmes de combat. Il incarne, à sa façon, cette figure d’entrepreneur devenue un lieu commun aux Etats-Unis.

Une grande famille
A partir du chapitre 6, William Blanc présente des super-héros souvent moins connus mais tout autant intéressants. Namor a un aspect ambigu et il peut être considéré comme le « premier antihéros des comics ». Inspiré de la culture gréco-romaine, il affiche également une fibre écologiste avant l’heure. On découvre ensuite Black Panther, le premier super-héros noir des comics, toujours populaire comme en témoigne le film sorti cette année sur les écrans. Il y eut aussi des super-héros très différents comme Howard the Duck, le canard qui alla même jusqu’à se présenter à l’élection présidentielle américaine ! William Blanc aborde la question de la sexualité des super-héros. Il montre que, très tôt, il y eut des messages cryptés comme entre Batman et Robin. Il faut pourtant attendre 2002 pour voir l’union de deux super-héros de même sexe.

Super-héros et histoire
Tous les super-héros ne naissent pas de rien et s’inspirent soit des discours progressistes du XIXe, soit de la culture populaire de la même époque. La filiation est parfois plus lointaine avec des références à Jeanne d’Arc. Comme au temps de la Table ronde, les super-héros ont tendance à se présenter groupés. « La Table ronde devient la métaphore du melting-pot progressiste et de la démocratie américaine. » Ils ont également une forte propension à joueur au base-ball. On sent ici l’influence d’une époque car, comme le rappelle l’auteur, « la plupart des auteurs vivaient à New York, ville qui accueillait pas moins de trois équipes professionnelles majeures ». Mais le base-ball est aussi une manière d’incarner un bel autrefois idéalisé.

Dans sa conclusion, William Blanc rappelle que « chaque génération de surhumains a été confrontée à des questions politiques nouvelles. Superman a réfléchi à la condition prométhéenne moderne, Captain America a combattu le fascisme avant l’entrée en guerre des Etats-Unis… Namor a défendu les océans et le tiers-monde ».
Ce tour d’horizon se révèle à la fois très plaisant à lire, très varié et très instructif. William Blanc n’en est qu’au début de son projet puisqu’il annonce un autre ouvrage à venir sur les super-héros.

Jean-Pierre Costille