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jeudi 18 mai 2023 :: Permalien
Publié sur lundi.am le 8 mai 2023.
En Guadeloupe on dit Mé 67. En France métropolitaine, mai nous fait plutôt penser à 1968… C’est bien sur ce décalage, qui n’est pas seulement de l’ordre de la perception, mais bien de la gestion de l’ordre colonial, que revient l’ouvrage qui paraît aujourd’hui, compte-rendu de la recherche historienne et politique sur cet « événement » qui, à coup sûr, s’apparente plus à ce que l’on avait nommé pudiquement les « événements d’Algérie » (qui n’étaient pas la guerre, comme chacun sait), lesquels dataient d’à peine cinq ans auparavant, qu’aux « événements », comme on disait alors, de Mai 68. On compta (bien heureusement) peu de morts lors de ces derniers – même s’il faut toujours se méfier des statistiques officielles. Ce fut loin d’être le cas dans ce « confetti de l’Empire » qu’est la Guadeloupe, « département français » (comme l’Algérie avant l’indépendance).
Les 26 et 27 mai 1967, les soi-disant « forces de l’ordre » ouvrirent le feu avec leurs armes de guerre sur des foules désarmées qui manifestaient dans les rues de Pointe-à-Pitre. Aujourd’hui, on ne connaît toujours pas précisément le nombre de personnes que tuèrent les gendarmes mobiles durant ces deux journées (à coups de fusil mais aussi à la suite de tabassages extrêmement violents, s’apparentant à des lynchages, commis par ces mêmes détenteurs de la violence légitime). Les chiffres officiels annoncent sept victimes. Des années plus tard, en 1985, un sous-ministre aux DOM-TOM laissera tomber le chiffre de quatre-vingt-sept, dont personne ne semble savoir d’où il le sortait… Comme le dit Jean-Pierre Sainton, « il est fort probable que le chiffre précis des morts de 1967 ne sera jamais connu avec certitude [mais] il serait indécent de vouloir retenir une fourchette approximative de sept à quatre-vingt-sept ».
Personnellement impliqué à divers titres dans cette histoire, c’est ce même Jean-Pierre Sainton qui présente tout d’abord le déroulement des faits et leur contexte. Selon lui, ils peuvent s’expliquer, avec le recul, par « une triple conjonction de facteurs ».
« Au fondement, dit-il, il s’agit de l’épilogue d’une crise sociale résultant des soubresauts terminaux de la société d’habitation tardive des années 1960, de la poussée de l’urbanisation, de la croissance du chômage des jeunes, fruits à la fois de l’avancée démographique et de la stagnation de l’économie de production. » On se souvient peut-être que « société d’habitation », ici, signifie économie de plantation historiquement basée sur l’esclavage, pour le dire simplement. Les « habitations » étaient les exploitations tenues par les Blancs et qui produisaient, à coups de trique sur le dos des « Nègres », le sucre, essentiellement, et autres denrées coloniales fort prisées en métropole.
Le deuxième facteur tient à une situation politique très instable, en pleine décomposition/recomposition. Pour faire vite : l’État français prend de plus en plus le pas sur toutes les instances intermédiaires, s’appuyant sur la forte popularité de De Gaulle en Guadeloupe. « La gestion politique gaullienne poursuit […] les modalités classiques de la gouvernance coloniale en les mâtinant de politique sociale et d’autoritarisme impérial répressif. » Pour en donner une idée, il faut citer une répartie fameuse du général, en 1964, répondant à la requête d’évolution statutaire émise par Aimé Césaire, alors député-maire de Fort-de France, en Martinique : « Entre les deux façades de l’Atlantique, il n’y a que des poussières d’îles. On ne bâtit pas des États sur des poussières. » Il faut aussi rappeler que, malgré cette popularité de De Gaulle, la Guadeloupe votait massivement pour le Parti communiste, un parti « en pleine crise d’incapacité théorique et politique », comme le disait l’un de ses anciens dirigeants, cité par Sainton, qui ajoute : « Maintenant un discours communiste orthodoxe avec son option autonomiste, il vé[gétait] dans l’immobilisme et la gestion des municipalités qu’il dirige[ait]. » Dernier élément de ce paysage politique : l’apparition de groupes de jeunes que notre police politique d’aujourd’hui nommerait « radicalisés », et qui tournent leurs regards vers les luttes de libération nationale, la décolonisation, la révolution cubaine toute proche… Mais les mouvements qui se constituent alors se divisent, en 1965, sur la question de savoir s’il faut, ou non, participer aux élections présidentielles françaises en soutenant un certain François Mitterrand.
« Le troisième facteur, nous pourrions dire le facteur déclenchant des événement de Mai 67 tient au pouvoir colonial lui-même », dit Jean-Pierre Sainton. D’une part, Paris ne veut rien lâcher en termes d’autonomie, on l’a vu, obnubilé par le contexte de guerre froide (des îles où le Parti communiste est puissant risqueraient de se rapprocher de l’URSS). D’autre part, n’ayant rien compris à la crise économique et sociale évoquée plus haut, le pouvoir compte sur ses forces de répression pour « tenir » ses départements d’outre-mer. Si l’on ajoute à ce cocktail détonant le racisme toujours bien présent des Blancs héritiers des colons esclavagistes, on comprend que la situation peut partir en vrille à la moindre occasion. De plus, selon Jean-Pierre Sainton, le pouvoir n’attend que cela : régler par une confrontation militaire le « problème » que lui pose le mouvement de contestation nationaliste naissant – autrement dit, l’isoler et l’éliminer de la scène politique.
L’occasion attendue se présente le vendredi 26 mai à Pointe-à-Pitre. On est en pleine grève massive. Des centaines de grévistes attendent sur la place de la Victoire l’issue des négociations menées entre patrons et syndicats dans un immeuble qui donne sur cette place. En début d’après-midi, les négociations sont rompues et une rumeur circule dans la foule sur des propos racistes tenus par un membre de la délégation patronale : « De toute façon, lorsque les nègres auront faim, ils reprendront le travail. » Il semble que le mot en n – le mot qui fâche – n’ait peut-être pas été prononcé. Mais ça ne change rien à la colère des grévistes, qui caillassent les patrons à leur sortie sous protection policière. S’ensuivent des affrontements entre jeunes et policiers (CRS et gendarmes mobiles). « Vers 15h30, un CRS est sérieusement blessé à la face par un jet de conque de lambi. L’ordre de tir est aussitôt donné par le commissaire de police […] qui coordonne sur place les escadrons de CRS et de gendarmerie. Jacques Nestor, un militant du Gong préalablement identifié par les forces de police, qui se trouvait au premier rang des manifestants, est visé et abattu le premier. » À partir de là, les pandores se déchaînent jusqu’au lendemain soir, jusqu’à ce que plus aucun attroupement ne reste dans les rues.
Du côté du pouvoir colonial, on parlera d’émeutiers… « racistes » ! Toujours ce même retournement – les victimes sont les coupables et les Noirs racistes « anti-Blancs »…
Après le massacre, ce sera le tour de la répression judiciaire. En Guadeloupe et à Paris. Ici et là, les procès se termineront par des fiascos du point de vue de l’accusation. Mais il n’est pas inintéressant de constater, là encore, une grande différence entre les procédures de Paris et Pointe-à-Pitre. Dans la capitale des souchiens, on juge plusieurs dirigeants du Gong devant la Cour de sûreté de l’État qui fut longtemps l’instrument de la justice d’exception en France, bien avant de céder la place aux instances de l’antiterrorisme. Le procès fera long feu, grâce notamment à la mobilisation d’un certain nombre d’intellectuels (Césaire, Sartre, etc.) et de ténors du barreau qui avaient déjà défendu le FLN peu auparavant. Il bénéficiera en outre d’une couverture médiatique de qualité, ce qui fera découvrir la situation coloniale des Antilles à nombre de Français qui l’avaient ignorée jusque-là.
À Pointe-à-Pitre, par contre, on juge des « émeutiers » – des racailles comme disait l’autre. Rien de politique là-dedans, évidemment. Sauf que là aussi, le procès tournera à la déconfiture de l’accusation, car aucune preuve ne pourra être produite contre ces supposés émeutiers, lesquels avaient été raflés au petit bonheur la chance par la police (enfin, au petit bonheur la chance, c’est vite dit, peut-être bien plutôt au faciès).
Voici la conclusion de Jean-Pierre Sainton : « La question qui se pose vraiment est plus l’aveu, ou la reconnaissance, d’un crime d’État commis à l’encontre de la population civile de Guadeloupe que du nombre des morts. Mai 67 n’ayant pas été un “dérapage” circonstanciel, une “faute” commise par quelques fonctionnaires, mais bien l’aboutissement d’une volonté exprimée dans toute la chaîne de responsabilités de l’État, du département au plus haut niveau gouvernemental, de régler de façon radicale toute velléité de séparatisme par une leçon durable, [celle-ci] touche au fondement de la relation politique. »
C’est précisément ce que s’emploie à montrer Mathieu Rigouste dans le deuxième texte de cet ouvrage, dont le titre et le sous-titre disent déjà bien à eux seuls de quoi il y est question : « De la contre-insurrection au système sécuritaire. Le massacre d’État de mai 1967 en Guadeloupe et la carrière du préfet Bolotte (Indochine, Algérie, la Réunion, Guadeloupe, Seine-Saint-Denis ». Excusez du peu. Ce genre de carrière me rappelle toujours celle de Maurice Papon – exécuteur des basses œuvres des nazis en France, insistant pour que ces pauvres enfants juifs ne soient pas séparés de leurs parents, pensez donc ! et, en toute humanité, se démenant afin qu’ils soient déportés avec leurs parents ; puis l’un des cadres civils de la contre-insurrection en Algérie, et encore préfet de police de Paris et à ce titre, commandant du massacre des Algériens le 17 octobre 1961. Le continuum colonial, en quelque sorte. Ah, j’allais oublier : ces deux sales personnages ont écrit des sortes de mémoires dans lesquelles ils expriment toute leur satisfaction du « travail » bien fait. Celles de Bolotte n’ont pas été publiées mais Rigouste a pu les consulter aux archives de la Fondation nationale des sciences politiques. C’est donc ce préfet qui commanda le massacre de Mé 67 comme Papon celui d’octobre 61. Rigouste a déjà décrit dans plusieurs articles et ouvrages le passage des théories et pratiques de la contre-insurrection de l’Indochine et de l’Algérie (sans oublier le Cameroun) dans les années 1950-1960 jusqu’aux quartiers dits « sensibles » en France après la déliquescence de l’Empire français, en passant par les « poussières » de cet Empire, telle la Guadeloupe à la fin des années 1960. Ici, il décrit la carrière d’un qui s’engagea dans la préfectorale à vingt-trois ans – brillant élément ! – mais, ombre au tableau, c’était en 1944, alors que ce corps prestigieux servait encore le maréchal Pétain. Qu’à cela ne tienne, « comme une partie importante des cadres de l’État français, de son armée et de sa police, Bolotte sera reconduit dans le nouvel État à la fin de l’Occupation ». Il gravira les échelons au fur et à mesure de ses affectations au cours desquelles il acquerra une importante expérience dont on a vu à quoi elle servit en Guadeloupe, mais dont Rigouste nous dit aussi qu’elle lui fut précieuse dans la suite de sa carrière en métropole. Ce chapitre du livre est vraiment très instructif quant à la genèse de la « gestion coloniale des quartiers », comme disaient les amis et camarades du Mouvement de l’immigration et des banlieues. En effet, Bolotte fut le premier préfet de Seine-Saint-Denis (en 1969) et, à ce titre, le créateur des premières brigades anticriminalité (les sinistres BAC) dans ce même département peuplé par les rejetons des « classes dangereuses ».
« Le préfet, écrit Rigouste, traduit et réagence en Seine-Saint-Denis des dispositifs de quadrillage militaro-policiers qu’il avait mis en pratique en Algérie à partir du savoir-faire acquis en Indochine. Armé aussi de son expérience à la Réunion et en Guadeloupe, il participe à l’élaboration et au développement d’une nouvelle forme médiatico-policière de contre-insurrection appliquée à la ségrégation des périphéries populaires de la grande ville capitaliste. Son parcours retrace la fondation des machineries sécuritaires et du socio-apartheid contemporain. » Et de citer les mémoires du préfet : « Les problèmes majeurs étaient ceux que posaient les dizaines de milliers d’immigrants, en particulier dans les villes proches de Paris […] Les bidonvilles avaient proliféré à Saint-Denis, à La Courneuve, à Montreuil, à Aubervilliers, etc. Je ne pouvais pas supporter de revoir, ici et maintenant, les mêmes installations socialement et humainement insupportables que j’avais connues en Algérie ! »
Insupportables pour qui ? Pas pour les habitants des bidonvilles, non. Sûrement pour « la République », comme le crache aujourd’hui un Darmanin recyclant les mêmes méthodes en retour dans une colonie (Mayotte) après leur application en métropole. Voici une autre citation de Bolotte rapportée par Rigouste : « Les attaques des personnes âgées, ou isolées, en fin de journée, les dégâts et incendies causés aux voitures, les vitrines cassées et pillées, le caractère odieux et irrépressible des comportements dans les quartiers dits “difficiles” et, pour parler clairement, cela veut dire dans les banlieues à forte population immigrée, tous ces actes criminels de plus en plus nombreux, insensibles et agressifs, sont allés se développant. L’insécurité a envahi toutes les villes et même les campagnes […] Tout cela représente le retour d’une barbarie primitive, et c’est un pas en arrière de nos civilisations. » Voilà qui est clair et ne nous dépayse guère par rapport aux discours d’aujourd’hui.
Elsa Dorlin clôt ce volume avec un texte qui, partant de Michel Foucault et de ses théories du biopouvoir et de la gouvernementalité, les « met à jour », si je puis dire, en les appliquant à l’esclavage et à la colonialité, des phénomènes que Foucault, semble-t-il, n’a jamais vraiment intégrés à ses analyses. On se souvient que selon lui, l’ancien régime du pouvoir, basé sur la souveraineté, pratiquait un « faire mourir et laisser vivre ». Le biopouvoir qui lui succède choisit plutôt de « faire vivre et laisser mourir ». Ce qui intéresse Elsa Dorlin, c’est « cette version plus explicite de ses mécanismes [du biopouvoir], laisser mourir, tuer, pour faire, pour mieux vivre » (c’est elle qui souligne). Au fond, ce qu’elle s’applique à démontrer, c’est qu’il existe un rapport essentiel, ou un lien organique, entre la vie des uns (les Blancs) à préserver et même améliorer et celle des autres (les Noirs et autres non-Blancs) à sacrifier au bénéfice des premiers. La « scène primitive » de cette sorte de vampirisme est la plantation (l’habitation, si l’on préfère rester aux Antilles). Bien sûr, après les abolitions de l’esclavage, il a fallu adapter les techniques de pouvoir. Mais les ressorts en sont demeurés les mêmes, comme on l’a vu avec Mathieu Rigouste et le continuum des politiques de contre-insurrection nées dans les colonies. Se référant à l’étude de Grégoire Chamayou sur Les Chasses à l’homme, Dorlin analyse l’exercice du pouvoir pastoral en système colonial : il s’agit bien de soigner le cheptel de façon à le faire croître et embellir (biopouvoir), mais aussi – condition sine qua non – de le protéger contre lui-même (brebis galeuses, qui s’écartent du troupeau, voire même prétendent accéder elles-mêmes aux fonctions de bergers. Justement, le préfet Bolotte, complaisamment relayé par la presse Hersant (France-Antilles), avait mis en garde les Guadeloupéens contre les « mauvais bergers » (les nationalistes, autonomistes et autres indépendantistes, bien sûr). Et c’est afin de protéger ses ouailles qu’il se livra à ce que Chamayou appelle une « chasse pastorale », laquelle consiste à éliminer tous ces éléments dangereux du troupeau.
Dorlin ne s’en tient pas là. Elle analyse ensuite les diverses techniques utilisées par l’empire afin de maintenir sa domination coloniale. La politique de départementalisation conduite après-guerre s’accompagna de ce que l’auteur martiniquais Monchoachi nomme « le filet le plus large à la fois et le plus raffiné et cruel que l’Occident ait jamais déployé dans son entreprise globale de perversion de l’humain » : la politique dite d’« assimilation ». Relèvent de cette politique :
• l’entreprise d’effacement de la mémoire d’événements comme Mé 67, accompagnée d’une réécriture consensuelle de l’histoire de l’esclavage et (surtout !) de son abolition ;
• la mobilisation des jeunes hommes antillais dans l’armée de conscription d’abord, puis professionnelle, et leur déplacement systématique loin des Caraïbes ;
• l’exportation de la main d’œuvre vers la métropole, dans le bâtiment et les services de sécurité privée pour les hommes, et la domesticité pour les femmes – celles-ci employées, donc, dans la sphère de la reproduction, comme c’est le cas de la plupart des femmes des classes populaires, mais dans ce cas particulier, il ne faut pas oublier la dimension raciale : il s’agit de la reproduction des vies blanches par des femmes noires ;
• concernant ces dernières, des campagnes de stérilisation, des placements d’enfants à la Ddass et leur adoption plus ou moins contrainte par des « gens de bien » (donc plutôt blancs et métropolitains).
Elsa Dorlin parle ainsi d’une « division et d’une gestion raciales et sexuelles de la reproduction comme théorie contre-insurrectionnelle qui vise la sexualité et la maternité noires, qui mutile la vie intime, disloque les désirs et les affects, défigure les transmissions générationnelles et mémorielles ». Et, demande-t-elle, « peut-on comprendre son articulation aux dispositifs de répression des mouvements sociaux autonomistes et indépendantistes antillais et guyanais ? » « Restituer une histoire des rapports de pouvoir à un point nodal », conclut-elle, « a consisté pour moi à faire cette tranchée archéologique dans ces années 1950 et 1960 caribéennes, à excaver cette répression coloniale qui lie le destin des Antilles et de l’Algérie ; mais aussi à penser ensemble les soulèvements révolutionnaires, populaires, syndicaux, politiques et intellectuels avec les subjectivités et les corps des femmes, la mémoire, la vie des familles, la résistance des attachements qu’une thanatopolitique a également ciblés, abîmés et abattus. »
Je n’ai pas besoin de préciser que j’ai vraiment apprécié ce livre qui, pour être bref, n’en est pas moins important.
Franz Himmelbauer
lundi 15 mai 2023 :: Permalien
Publié dans Alternative libertaire, mars 2023.
« L’anarchie est devenue ma religion, car c’est elle qui m’a relevé et m’a fait devenir homme », c’est ce que déclare François Déjoux face au juge en 1883. Militantisme, adhésion politique et construction d’une identité de genre sont tout entiers inscrits dans cette déclaration. C’est l’objet de l’étude de Clara Schildknecht : étudier des groupes anarchistes sur la période allant de 1871 à 1920, sous le prisme du genre afin de mettre à jour « les mécanismes de construction des normes du genre » à l’œuvre dans les mouvements libertaires. Concernant les anarchistes de ladite « Belle Époque », cette question revient à se demander si ces militant·es politiques qui remettent radicalement en cause l’ordre bourgeois, construisent des « nouvelles catégories autres que les virilités de classe et d’âge ». Partant des écrits militants qui fleurissent à cette époque croisés avec d’autres sources : presse généraliste et archives policières notamment, l’autrice rend compte non seulement des mécanismes de construction des normes du genre au sein de la mouvance anarchiste, mais également de leur évolution sur cette période.
Clara Schildknecht analyse tour à tour le rapport à la virilité et à la violence souvent « héroïsée » et interroge, au regard des valeurs d’émancipation portées par les libertaires, les traits communs à ces groupes : communistes ou individualistes. L’espace-temps du procès est ainsi particulièrement propice à la mise en avant de cette masculinité d’autant plus exacerbée et mise en scène qu’elle est reprise par les journaux et participe pleinement de la construction de l’identité anarchiste. Le « culot », le « panache » sont des signes visibles par tous et toutes, et notamment par les autres militant·es, et qui, à l’instar du fait d’assumer ses convictions anarchistes, participent tout autant de la démonstration de masculinité virile que de la force de la qualité militante.
L’autrice s’attache également à la question de la place des femmes à la fois dans le mouvement anarchiste et dans l’historiographie anarchiste. Sur ce point particulier elle se heurte à deux difficultés : en dehors de quelques noms célèbres, les femmes sont quasiment absentes, invisibilisées à la fois dans les écrits militants mais également dans les rapports de police. Le mouvement libertaire de la Belle Époque est extrêmement critique vis-à-vis du féminisme, taxé de réformisme, et ne voit de libération des femmes possible uniquement dans l’anarchisme. Si « l’anarchisme de la Belle Époque se voulait porteur de l’étendard de l’émancipation féminine », cette libération se conçoit uniquement par rapport aux normes de la société bourgeoise d’alors. La radicalité des discours contre la famille et le mariage ne s’accompagnant pas « de réflexion critique sur la place [que les anarchistes] accordaient aux femmes dans les instances militantes ». Pourtant les femmes sont souvent convoquées dans la presse militante, plus à « des fins politiques », « comme objets, supports de propagande anarchiste » que « pour soulever des questions quant à la “condition féminine” ou pour promouvoir des avancées sociales et mentalistes dans la société ou le monde militant ». Les anarchistes de ce point de vue reproduisent une vision essentialisante, celle de la « nature de la femme », mobilisée certes de façon politique mais qui restreint les femmes au rôle d’enfantement. L’autrice voit là un marqueur de la proximité des anarchistes avec les discours scientifiques et médicaux de l’époque.
Cet ouvrage passionnant et stimulant, qui nous fait croiser les grandes figures de l’anarchisme de cette époque, permet de traiter une question peu abordée – et qui souvent résonnera comme familier aux militant·es d’aujourd’hui – et de porter un regard nouveau et singulièrement enrichi sur une période pourtant déjà historiographiquement riche.
David (UCL Chambéry)
jeudi 4 mai 2023 :: Permalien
Publié sur Ballast, le 30 avril 2023.
Un peu d’attention critique aux médias dominants, à leurs sujets de prédilection et au sort réservé aux quelques trublions qui acceptent de participer au jeu tout en le condamnant, suffit pour s’énerver au moins une fois par jour. Une piqûre de rappel dûment documentée, surtout quand elle vient de personnes qui l’ont vécu de l’intérieur, n’est toutefois jamais inutile pour finir de se convaincre des inégalités produites et reproduites par le monde médiatique. C’est ce que donnent à lire trois membres du Nouveau parti anticapitaliste (NPA) en livrant un bilan du traitement médiatique des candidatures de Philippe Poutou aux élections présidentielles de 2017 et 2022. « Y aller ou pas ? » Telle est la question que se sont souvent posés les protagonistes de ce livre quand le candidat devait monter sur le plateau d’une chaîne d’information en continu ou répondre en duplex à un journaliste radio. Parfois, il a fallu refuser : la chaîne qui invitait abritait des chroniqueurs ouvertement racistes ou le dispositif de l’émission laissait trop peu de place pour s’exprimer. Parfois même il a fallu partir en cours de route et digérer sa colère. Mais souvent, aussi, il a fallu y aller. Alors, Philippe Poutou en témoigne, le mépris de classe s’est exprimé à plein. On apprend au fil du livre ce qu’il en coûte de participer, mais aussi ce que ça permet : quelques saillies bien placées peuvent déstabiliser des journalistes installés ou d’autres candidats sûrs de leur fait ; arracher une dizaine de minutes de temps d’antenne en plus permet parfois d’aborder des sujets sinon délaissés. On s’en doute, mais ça fait du bien de le voir confirmé : les Ruquier, Salamé et autres Elkabbach sont réellement infects, leurs questions sonnent creux, même en amont ou en aval de l’entretien proposé. Et par-delà les anecdotes, les auteur·ices remplissent leur objectif initial : « contribuer à la nécessaire compréhension des logiques d’écrasement médiatique dont la gauche radicale […] est victime de la part de ces grands médias – pour mieux les combattre ».
R.B.
jeudi 4 mai 2023 :: Permalien
Publié sur Ballast, le 30 avril 2023.
Qui ne connaît pas l’histoire tumultueuse des milieux anarchistes durant la Belle Époque trouvera ici une utile introduction : des balbutiements de l’anarcho-syndicalisme jusqu’aux menées des « bandits tragiques », toutes les étapes du militantisme libertaire au début du XXe siècle sont successivement abordées. Qui la connaît déjà, peut-être par la fréquentation du travail de l’historienne Anne Steiner, aurait raison de se plonger également dans ce livre-là – pas tant pour apprendre des choses nouvelles que pour voir celles déjà vues d’un autre œil. Car c’est une question importante et peu défrichée que pose Clara Schildknecht à l’entame de son livre : « Quel lien y-a-t-il entre l’appartenance politique à un groupe révolutionnaire et la construction de genre ? » Car si aujourd’hui, « du militant syndical CGT à l’antifa ou à l’autonome du cortège de tête […] la performativité du genre est inconsciente, totalement intégrée », c’est notamment parce qu’elle est « héritière d’une histoire de la virilité militante ». Ainsi sont explorés tour à tour les lieux et les espaces où s’exprime et se construit cette virilité, les modes d’action et les attitudes qui la portent, le rapport aux femmes que ça induit et la réaction de ces dernières. Quel usage de la violence est privilégié ? Comment la presse s’en fait l’écho ? Quels vêtements signalent l’appartenance à un groupe ou à un autre ? Comment les femmes parviennent-elles à s’extirper d’une assignation à des tâches mineures, quotidiennes, invisibles ? Autant de questions qui amènent à suivre le parcours de figures bien connues sous un angle jusqu’alors resté dans l’ombre. On apprend que l’héroïsme militant, qui conduit à moquer les juges lors d’un procès ou à accumuler crânement les séjours en prison, est aussi un mécanisme de valorisation ; que la liberté amoureuse vantée par les anarchistes individualistes n’est pas dénuée d’inégalités entre les genres ; qu’il faut redoubler d’énergie pour se faire une place en tant que femme dans un milieu d’hommes. Hardi compagnons ! ouvre ainsi un beau chantier historiographique au cœur de l’histoire politique et sociale.
E.M.
mardi 28 mars 2023 :: Permalien
Publié sur lundi.am le 27 mars 2023.
En voilà un livre d’actualité ! Il paraît alors qu’Emmanuel Macron s’évertue à redynamiser des organisations syndicales que l’on pensait quelque peu endormies… Point n’est besoin ici de rappeler combien leurs appels à contester certaine réforme ont mobilisé – et mobiliseront encore, si l’on en croit les propos des manifestant·es rapportés par les médias (sans parler des grévistes de secteurs divers et variés). On aura peut-être moins remarqué ceux de ces militants syndicaux qui témoignent d’une vague d’adhésion comme ils n’en avaient plus vu depuis longtemps. On peut se montrer quelque peu sceptique quant au potentiel révolutionnaire des syndicats (j’avoue que c’est mon cas). Mais on aurait tort de les mépriser (à l’instar du monarque républicain suscité). C’est pourquoi je recommande la lecture de cet abrégé du syndicalisme.
Son auteur, Guillaume Goutte, se présente comme « militant syndicaliste, adhérent de la Confédération générale du travail (CGT), actif et en responsabilité au sein du Syndicat général du Livre et de la communication écrite ». Un peu plus loin, il ajoute : « Le livre part du postulat que le syndicalisme est non seulement nécessaire, mais qu’il doit aussi être indépendant et se donner les moyens d’incarner une pratique autonome de la lutte de classe. »
Dix Questions, donc, et tout autant d’enjeux fondamentaux pour les organisations et pratiques syndicales.
1. Quand et comment le syndicalisme s’est-il formé en France ?
On pourrait se dire que cela n’a guère d’importance et que ce qui nous intéresse, ce sont les rapports de forces actuels. Certes. Il se trouve cependant que les débuts du syndicalisme ont influencé son développement jusqu’à aujourd’hui – ainsi, par exemple, le clivage entre syndicalisme révolutionnaire et syndicalisme réformiste (pour faire simple, rapporté à aujourd’hui : CGT vs. CFDT). La préhistoire des syndicats commence pendant la Révolution française : sous prétexte d’empêcher la reconstitution des « corporations » de l’Ancien Régime, les lois Le Chapelier, votées par l’Assemblée constituante en mai et juin 1791, interdisent les « coalitions de métier » et les grèves. Comme disait Marx, il s’agissait de délivrer les prolétaires de tout lien contraignant les empêchant de vendre « librement » leur force de travail sur le marché tout aussi « libre » du travail… Ces dispositions seront encore aggravées par les Codes civil et pénal napoléoniens. Les premières structures dont se dota le mouvement ouvrier naissant furent les « sociétés de secours mutuels ». Il s’agissait d’organiser l’entraide face au chômage, aux accidents de travail, la vieillesse, etc.) Très vite l’activité de ces sociétés déborda leur objet premier – de la solidarité à la résistance contre les patrons, il n’y avait qu’un pas qui fut rapidement franchi. Napoléon dit « le petit », qui s’appuya assez habilement sur les ouvriers dégoûtés de la République par… les « républicains » bourgeois qui les massacrèrent en juin 1848, amorça la reconnaissance des syndicats (tout en espérant mieux contrôler la plèbe). Mais c’est seulement après la Commune que le mouvement ouvrier, considérablement affaibli par la répression, s’organise au sein de la Fédération nationale des syndicats et groupes corporatifs (FNS), en 1886, et dans la Fédération nationale des Bourses du travail (FNBT), en 1892. Ces deux fédérations « héritent » des clivages apparus précédemment au sein de l’AIT, l’Association internationale des travailleurs, entre marxistes et bakouninistes. Les premiers sont hégémoniques au sein de la FNS, laquelle, par ailleurs, organise les ouvriers sur la base des branches professionnelles, tandis que les seconds (les anarchosyndicalistes) se veulent indépendants des partis politiques et s’organisent sur une base géographique et interprofessionnelle. La CGT est fondée en 1895 lors du Congrès de Limoges. Elle rassemble formellement FNS et FNBT, mais la fusion ne sera véritablement effective qu’en 1902. Et Guillaume Goutte de préciser : « En 2023, elle est toujours l’organisation syndicale la plus importante de France, en nombre d’adhérents. » Je souligne et remarque au passage que le matraquage médiatique nous a fait oublier cette réalité. En effet, à la question : quel est le plus important syndicat ? je pense que la plupart des personnes répondront : c’est la CFDT, ceci parce que cette confédération est celle qui obtient le plus de suffrages aux élections professionnelles. Ce qui reflète assez bien, finalement la différence entre les deux organisations, celle-ci plutôt « révolutionnaire » et celle-là carrément « démocrate »…
2. La grève est-elle le seul moyen d’action du syndicalisme ?
La réponse est non : il y a aussi les manifestations (bon, je n’insiste pas, hein…), les tracts et la presse syndicale, le sabotage et le boycott (prônés en son temps par Émile Pouget, grand syndicaliste révolutionnaire s’il en fut) et le paritarisme et ses institutions (dont on pressent évidemment qu’il est plus du côté de la démocratie représentative et donc plus réformiste).
3. Qu’est-ce que la grève générale ?
On en a une petite idée, non ? Mais. Tout d’abord, il est bon de rappeler que cette fameuse grève générale, devenue quasi mythique avec le temps, fut l’objet d’un débat passionné au sein du mouvement ouvrier international. Autrement dit, c’était une perspective très concrète, tout à fait envisageable à court ou moyen terme. Las, ce n’est pas arrivé souvent. Et quand c’est arrivé par chez nous, en un joli mois de mai, ça n’a pas produit la révolution, comme espéré. Là, il faut bien reconnaître que les syndicats (particulièrement la CGT) en ont été largement responsables, avec leurs foutus accords de Grenelle qui certes, ont apporté quelques améliorations aux salariés (salaires, prérogatives syndicales dans l’entreprise), mais ont surtout puissamment contribué à mettre un terme à la « chienlit » (c’est ainsi que De Gaulle qualifiait les « événements », comme on disait alors). Bref, comme le dit Guillaume Goutte, la grève générale, c’est aussi la préfiguration d’une autre société : il faut bien prendre en main les fonctions de base (approvisionnement, etc.) et s’organiser à cette fin – et on se rend compte que si ce n’est pas facile, ni simple, c’est possible !
4. Qu’est-ce que le label syndical ?
Voilà une question à laquelle je n’aurais rien su répondre avant d’avoir lu ce livre. Pour aller vite, je dirais que c’est au travail, à ses conditions et à sa rémunération ce que le label bio est aux produits alimentaires : une garantie de qualité, à travers le respect des salariés producteurs… En France, c’est dans la fédération du Livre que ce label a été vraiment mis en œuvre, grâce au savoir-faire de cette « aristocratie ouvrière » que constituaient les ouvriers typographes. L’idée était d’imposer une « marque syndicale » garantissant que le livre ou autre imprimé entre les mains du lecteur avait été composé par des typos qualifiés et payés en fonction de cette qualification. La fédération du Livre alla encore plus loin puisque ce fut l’une des seules (avec les dockers, il me semble) à imposer un contrôle syndical de l’embauche…
5. Le syndicalisme est-il politique ?
On l’a vu au point 1, la question s’est posée dès les débuts du syndicalisme. L’un des textes canoniques du syndicalisme est la charte d’Amiens adoptée en 1906, qui affirme avec force l’indépendance du syndicat. « […] elle marque, écrit Guillaume Goutte, l’apogée du syndicalisme révolutionnaire et la défaite – temporaire – des marxistes dans le mouvement syndical français. De nos jours, la plupart des confédérations syndicales de salariés s’en réclament encore, même si certaines le font en parfaite mauvaise foi ou en oubliant toute une partie du texte, celle qui fixe des objectifs révolutionnaires au syndicalisme. » Je me souviens ainsi qu’en 1981, après l’élection de François Mitterrand sur la foi d’un programme « de gauche », les cabinets ministériels des premiers gouvernements Mauroy siphonnèrent une grande partie des cadres de la CFDT. Son orientation réformiste s’en trouva grandement confortée.
6. Le syndicalisme est-il révolutionnaire ?
Passons rapidement sur les temps héroïques : quand les statuts de la CGT mentionnaient comme objectif « la dissolution du salariat et du patronat » et que les Bourses du travail avaient des airs de forteresses ouvrières. Ça avait de la gueule. Las, la confédération a fait son aggiornamento à la fin du siècle passé… Je me contente de reproduire ici la conclusion de la réponse de Guillaume Goutte : « Alors que le communisme incarné par le PCF est à bout de souffle, que le modèle de la courroie de transmission rejoint les poubelles de l’histoire et que le réformisme traverse une crise démocratique, [l]e syndicalisme révolutionnaire a un rôle à jouer, avec trois exigences à faire valoir : l’indépendance, la démocratie syndicale (souvent malmenée) et l’élaboration d’un projet de société révolutionnaire, mû par le souci du pragmatisme, c’est-à-dire de se donner les moyens concrets des discours prononcés et des revendications portées. »
7. Le syndicalisme est-il antifasciste ?
Historiquement, l’antifascisme a été en France le vecteur de la réunification syndicale, particulièrement en 1934, face à la montée des ligues fascistes. Guillaume Goutte relève quelques initiatives récentes allant dans le même sens, par exemple contre un meeting d’Éric Zemmour en décembre 2021. Mais comme il le dit, « le fascisme est faible quand le mouvement de classe est fort et le mouvement de classe n’a jamais été aussi puissant que quand il était unifié ». Et sans vouloir jouer les oiseaux de mauvais augure, on peut tout de même s’interroger sur ce que deviendrait l’unité actuelle une fois abrogée la réforme qui l’a suscitée.
8. Le syndicalisme est-il dépassé ?
Personnellement, j’aurais tendance à répondre oui. Pourtant jamais le besoin de syndicat ou, si vous préférez, de nouvelles sociétés d’entraide, n’a été aussi pressant, avec l’ubérisation généralisée du travail. Mais s’ils veulent y répondre, les syndicats auront besoin de faire preuve de souplesse et de capacité d’écoute. Chiche ?
9. Le syndicalisme est-il féministe ?
Comme dans le reste de la société, c’est pas gagné, répond Guillaume Goutte. Car même si une femme, Marie Buisson, pourrait remplacer Philippe Martinez lors du tout prochain congrès de la CGT, comme le dit Sophie Binet, secrétaire générale de l’Union générale des ingénieurs, cadres et techniciens de la confédération, « une femme à la tête d’un syndicat, ça peut être l’arbre qui cache la forêt ! La féminisation du haut doit s’appuyer sur une féminisation à tous les niveaux, sinon ça ne va pas tenir dans la durée ».
10. Une réunification du syndicalisme est-elle possible ?
On pourrait être tenté de répondre la même chose que Sophie Binet à propos des femmes : une réunification (des syndicats qui partagent les mêmes orientations de lutte des classes, soit, selon Guillaume Goutte, CGT, Solidaires et FSU) par le haut n’aurait guère de sens. La « convergence des luttes » ne peut exister qu’au sein des luttes, précisément, et il y a fort à parier que tout véritable renouvellement du syndicalisme passera pour partie au moins, voire avant tout, en dehors des grandes organisations.
Cela dit, on voit bien aujourd’hui que, face aux ravages du régime néolibéral du travail – et avant son abolition définitive – l’organisation syndicale s’avère plus nécessaire que jamais. Et c’est pourquoi l’on sait gré aux camarades et ami·es de Libertalia de nous proposer cette petite synthèse plus qu’utile par les temps qui courent.
Franz Himmelbauer