Le blog des éditions Libertalia

L’École du peuple dans Le Café pédagogique

jeudi 1er juin 2017 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Paru dans « Le Café pédagogique », 31 mai 2017.

Vous connaissez les haragas ? Véronique Decker, directrice d’une école Rep+ (éducation prioritaire) les connaît. Elle les présente dans son second livre, L’École du peuple, qui sort le 1er juin. Les haragas sont ces enfants rétifs à l’école, qui la traversent sans en profiter. Enfants de familles précaires, de foyers où l’insécurité règne. « Pour chacun d’eux il nous faudrait le double de temps, le double de personnel, le double de qualifications », explique-t-elle. La suite de Trop classe, paru l’an dernier, nous ramène ainsi à l’école de Bobigny. Véronique Decker n’a pas eu sa mutation et garde le gouvernail de sa grande école secouée par les vagues de la précarisation des familles… Un reportage tendre mais lucide d’une école qui sombre dans l’apartheid.

Ce nouveau livre nous fait toucher du doigt le quotidien d’une école de quartier populaire. Ce n’est pas forcément un quotidien triste. Il y a ces enfants qui viennent dire « merci » pour un bon moment passé à l’école. Il y a les anciens élèves qui n’ont rien oublié. Il y a tous ces petits regards qui brillent d’intelligence. Et toute l’empathie de Véronique Decker.
Mais c’est un quotidien misérable. Véronique Decker raconte le médecin scolaire absent, le Rased démantelé, la chaudière qui claque et l’école qui manque de tout.
Elle raconte aussi l’institution Éducation nationale. Il faut lire les pages qu’elle consacre au Plan de lutte contre les difficultés scolaires lancé en 2011. « On doit “poursuivre la mobilisation”. Pas eu le sentiment non plus d’une mobilisation générale… On doit “recevoir des préconisations”, mais on en a tout le temps, et souvent contradictoires au point d’avoir le tournis… Il faut. Il faut. Il faut. Je suis d’accord avec une bonne partie des préconisations… Mais je suis saturée de préconisations qui ne sont assorties d’aucun autre chemin que celui d’obéir à des ordres infaisables. » Tout est dit, non ?

Véronique Decker : « Ce qui est important c’est que les enfants soient élevés ensemble »

C’est quoi être directeur aujourd’hui dans un quartier populaire ? Véronique Decker montre comment l’école publique sombre. Pire. L’école publique semble condamnée à devenir l’école des pauvres. Regarder l’école c’est regarder une société se défaire…
 
Le livre raconte, au fil du souvenir, le métier de directrice d’une école Rep+ à Bobigny (93). Comment définiriez-vous aujourd’hui le rôle d’une directrice d’école en Rep+ ? C’est un travail d’assistante sociale ?

Je ne le définirais pas comme cela. Le travail du directeur c’est faire en sorte que l’école fonctionne. Et pour cela il faut se tenir au milieu d’un nœud de problématiques et il faut être capable de trouver les bonnes ressources pour les régler. Le souci du directeur c’est que ces ressources ont diminué. Donc le directeur se retrouve souvent seul face aux problèmes.
Il y a une vraie déperdition de l’entourage social de l’enfance. Or c’est ça qui faisait la grandeur de l’école publique. Les écoles avaient le sou de l’école et les municipalités étaient fières de donner à l’école. Aujourd’hui les élus ne le font plus.
On est entré dans la société du chacun pour soi. L’école publique est devenue l’école des autres, pas celle des enfants des élus. On est dirigé par des gens qui ne connaissent pas l’école publique. Macron par exemple ne la connaît pas. Il ne lui doit rien. Gageons qu’il ne l’aime pas.

On sait qu’il y a eu un plan et des millions versés pour la réforme de l’éducation prioritaire. Mais quand on vous lit, on a l’impression qu’à Bobigny, dans votre école, rien n’a changé. C’est vraiment le cas ?

C’est pire. Paradoxalement mon école REP+ a moins de moyens qu’avant quand elle était une simple ZEP, même pas ECLAIR ou RAR. Les moyens pour l’école se sont effondrés depuis les années 1990.
Je disposais de deux assistantes administratives et deux assistants d’éducation. On pouvait financer des projets grâce à des fonds venant de l’académie, du ministère de la Ville et de la municipalité. Aujourd’hui on ne reçoit plus rien de l’académie ou du contrat de ville. Je n’ai plus d’assistant d’éducation. J’ai quelques jeunes en service civique mais très peu formés. Quant à la ville de Bobigny elle ne donne que 7 500 euros pour toutes les écoles. Bobigny est une ville de 50 000 habitants…

Et sur le plan pédagogique ?

Je disposais de postes de Rased : un poste et demi de maître E, un demi-poste de maître G et un demi-poste de psychologue. Aujourd’hui j’ai un tiers de poste E. Le maître G on le voit de temps en temps. Le psychologue est seul pour 3 grands groupes scolaires… C’est la même chose pour le médecin scolaire : on est passé de 3 médecins à un demi-poste. Du coup il n’y a plus de visite d’entrée en CP pour les enfants. Et il n’y a plus d’assistante sociale. C’est Paris qui a les assistantes sociales. Nous on a les problèmes sociaux…
C’est la même chose pour l’environnement médico-social. Il y a plus d’un an d’attente pour un rendez-vous en centre médico-psycho-pédagogique. On n’a aucun pédopsychiatre en ville alors que beaucoup d’enfants ont vécu la guerre ou ont des histoires fracassées.
On a aussi beaucoup de problèmes d’orthophonie car de nombreux parents croient bien faire en parlant français à la maison mais le parlent très mal.
 
J.-M. Blanquer a annoncé le dédoublement des CP en utilisant les maîtres surnuméraires. C’est possible dans votre école ?

On est ravi d’avoir un poste de maître surnuméraire. Elle n’intervient déjà qu’en CP et CE1. L’enlever ce serait vraiment n’importe quoi ! C’est un dispositif intéressant qui permet de faire des petits groupes pour mener un projet. On décloisonne les classes et on entre en projet par exemple en lecture pour tous les CE1. En sciences, par contre, on a fait de la co-intervention. Cela a permis de mutualiser nos pratiques et de les harmoniser. Ce dispositif permet vraiment aux enfants de progresser.
Mais s’il s’agit de mettre deux enseignants en permanence dans la même classe c’est autre chose ! Je suis une instit Freinet. Si on me met dans la même classe qu’une instit traditionnelle je fais comment ? Où est la liberté pédagogique ?
D’autre part, il faudrait créer dans l’école 3 à 4 classes. Je ne sais pas où on prendra les enseignants. Vont-ils embaucher davantage de contractuels ?

Il y a aussi le projet de faire faire les devoirs à l’école. Qu’en pensez vous ?

Tout le monde a conscience que l’enfant qui rentre chez lui et qui vit dans un environnement sain avec des parents disponibles et éduqués n’a pas les mêmes conditions pour faire ses devoirs que celui qui vit dans un cadre malsain avec des parents en situation précaire.
Mais qui doit régler les inégalités sociales ? Est-ce l’école, en ne donnant plus rien à apprendre à la maison, ou la société en donnant des conditions de vie saines à tous les enfants ?
 
Faire le travail à l’école c’est une façon de régler ce problème d’inégalités…

Mais le faire avec qui ? N’est-il pas préférable d’avoir des études gratuites avec les enseignants de l’école comme cela existe déjà ? Le gouvernement envisage-t-il de décourager les jeunes professeurs ? Aujourd’hui ce sont eux qui font ces études du soir. Cela leur rapporte un modeste supplément de salaire versé par la mairie qui est indispensable pour vivre en Île-de-France. Si le ministère enlève cela aux mairies qui paiera les professeurs ? La moitié de mes jeunes professeurs vivent en colocation faute de pouvoir payer un loyer.
C’est quelque chose qui n’a même pas été perçu au ministère. Il prend des décisions nationales sans tenir compte des écarts sur le territoire. Nous, on est fatigué des zig-zags à chaque changement de gouvernement qui nous empêchent d’anticiper.
 
Ce nouveau livre s’appelle L’École du peuple. Pourquoi ce nom ?

C’est évidemment une référence à Vers l’école du peuple de Freinet. Mais j’ai pris aussi ce titre pour dire que l’école publique doit être l’école du peuple et pas seulement des pauvres. Il faut un vrai projet d’école unique pour le peuple.
L’important ce n’est pas la question de la réussite de chaque élève. Ce qui est important c’est que les enfants soient élevés ensemble. Qu’ils sachent qu’il y a des gens différents d’eux. Certains de mes élèves croient qu’il y a une mosquée dans chaque village en France…
Freinet d’ailleurs ne parle pas de réussite. Il parle de réflexion, d’émancipation et de solidarité. Je crois à ça. On s’en sortira tous ensemble ou pas du tout.

Propos recueillis par François Jarraud

Mirage gay à Tel Aviv dans Le Monde diplomatique

mardi 30 mai 2017 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Paru dans Le Monde diplomatique, juin 2017.

Israël, comme tous les pays encore prisonniers des religions monothéistes, reste très homophobe. Mais Tel Aviv est une des capitales mondiales de l’homosexualité. Depuis quelques années, la propagande israélienne a mesuré le profit qu’elle pouvait tirer de la sympathie des gays occidentaux grâce à ce pinkwashing camouflage de l’occupation et de la colonisation de la Palestine. Cofondateur de Gai Pied, puis journaliste à Libération et à La Tribune, fin connaisseur d’Israël, Jean Stern était bien placé pour enquêter sur ce ripolinage particulier de la « marque Israël ».
Il en présente les acteurs et en éclaire les mécanismes : Gay Pride, chanteurs trans, campagnes de publicité, émissions de télévision, invitations – souvent refusées – de personnalités étrangères, films homosexuels grand public ou pornographiques et, bien sûr, déclarations démagogiques du Premier ministre Benyamin Netanyahou et consorts. Ce reportage n’oublie pas la Palestine, où les gays subissent à la fois l’oppression d’une société traditionaliste et le chatage des autorités d’occupation.

Dominique Vidal

La Fabrique du Musulman dans Le Monde diplomatique

mardi 30 mai 2017 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

La Fabrique du Musulman dans Le Monde diplomatique (mars 2017).

Ce petit livre édité par une maison libertaire, signé par un militant de gauche, docteur en science politique à la Sorbonne, risque de provoquer quelques remous. L’auteur y critique un discours qui, selon lui, donne une teinte confessionnelle et identitaire à la question sociale. Il attaque en particulier les Indigènes de la République, ainsi que ceux qui s’associent à ces « entrepreneurs communautaires », pour reprendre ses termes, lesquels produiraient une pensée validant l’« idéologie dominante ». Sidi Moussa accuse les militants d’une gauche qu’il taxe de « racialiste » de reprendre les catégories d’analyse des « racistes » et de participer avec eux à « former une communauté musulmane distincte » dans ses objectifs politiques ainsi qu’à fabriquer la figure du musulman, qui a évincé le travailleur immigré. Certains regretteront son absence de regard critique sur cet autre pan de la gauche dont le point de vue hostile au port du voile peut être pris pour un rejet d’une partie de la population. Son livre reste un riche apport à un débat houleux et passionné, entamé depuis plusieurs années, et qu’il serait illusoire de vouloir éviter.

Jules Crétois

L’École du peuple dans La Lettre de l’éducation

mercredi 24 mai 2017 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Paru dans La Lettre de l’éducation (hebdomadaire du groupe Le Monde destiné aux professionnels de l’éducation), 22 mai 2017.

Dans la vraie vie de l’école

L’affaire est entendue : on ne fait pas un système éducatif qu’avec des professeurs exceptionnels, charismatiques et lumineux, laissant un souvenir impérissable à leurs élèves. On le fait avec des gens « normaux ». Il n’empêche : dans ce vaste univers scolaire, où ne manquent pas les défis les plus âpres, les fortes personnalités sont nombreuses, et elles comptent pour beaucoup dans la bonne marche – ou la marche tout court – des choses. Véronique Decker, directrice d’école en Seine-Saint-Denis depuis des dizaines d’années, pédagogue Freinet, syndicaliste, intraitable protectrice de la scolarité des petits Roms que malmènent les expulsions, est l’archétype de l’enseignante engagée… dont la constance et les formes d’engagement inspirent le respect à ceux qui ne pensent pas comme elle ou ne partagent pas toutes ses colères. À ces caractéristiques, elle ajoute un talent de conteuse qui se confirme, avec cette deuxième livraison (après le succès, en 2016, de Trop classe !) de ses chroniques d’école. On peut lire ce livre dans l’ordre ou l’ouvrir au hasard : à tout instant le lecteur est dans la vraie vie, réjouissante ou poignante, de cette « école du peuple » dont elle décrit et décrypte le quotidien. À lire pour quiconque veut comprendre quelque chose à ce qui se joue derrière les mots de « banlieue » et d’« éducation prioritaire ».

Luc Cédelle

Handi-Gang dans Les Inrocks

mercredi 24 mai 2017 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Paru dans Les Inrocks, numéro 1121, du 24 au 30 mai 2017.

Un poing c’est tout.

Cara Zina signe Handi-Gang, un deuxième roman nourri de colère, d’énergie et d’humour, autour d’une bande de jeunes handicapés qui n’en peuvent plus d’un système inadapté à leurs besoins. Sans parler du regard des autres.

Je ne vois pas comment débuter cet article sans préciser la situation… Je connais Cara Zina depuis 1985. C’est ma plus ancienne amie. On a fait beaucoup de choses ensemble, certaines extrêmement drôles, d’autres un peu moins réussies sur le plan du fun. Donc on n’est même plus dans le domaine du copinage, mais carrément dans celui du meilleur-amiage…
La question qui se pose, quand je vous conseille de prêter attention à son deuxième roman, est donc : est-ce que je parlerais de ce livre si je ne connaissais pas son auteure ? C’est compliqué de répondre. Si je lisais à l’aveugle, évidemment que je m’arrêterais sur Handi-Gang. D’une part, parce que tous les thèmes qu’elle aborde me sont familiers. D’autre part, parce que j’adore son humour, et son rythme. Mais aussi parce qu’on a tellement de références en commun que je comprends ce qu’elle écrit. Mais je m’y arrêterais aussi parce que ça ne ressemble pas à ce qui se publie d’habitude en France. Ce n’est pas écrit du même point de vue. Ce n’est pas écrit dans la même langue. Si on ôtait son nom de la couverture, bien sûr que je m’arrêterais sur ce livre. Il est écrit par ma meilleure pote, elle n’écrit pas comme elle parle mais le texte lui ressemble. Il est improbable, dérangeant, super drôle et hautement inclassable. On peut dire que ça change de la prose-salon de thé à laquelle on est généralement exposés.
Le thème central du roman, c’est le handicap. Plus précisément, la lutte des handicapés pour l’accessibilité, et, à travers cette lutte, ce qu’ils mettent en œuvre eux-mêmes, hors le discours médical ou urbaniste ou charitable. Qu’est-ce que c’est, l’invalidité, quel discours peut-on produire à partir de là ? Quelle action peut-on mener ?
C’est l’histoire d’un groupe de jeunes handicapés, aux caractères bien trempés, voire, pour certains d’entre eux, qui flirtent avec la dangerosité, et qui décident de mener des actions politiques directes visant à faire comprendre aux valides que non, ils ne veulent pas attendre dix ans de plus pour qu’on pense à une ville qu’ils pourraient habiter, pratiquer.
C’est aussi l’histoire d’un jeune garçon qui vit avec sa mère. Pour ceux qui connaissent le premier roman de Cara Zina, Heureux les simples d’esprit, publié en 2008, cette situation de départ est familière. Entre-temps, le personnage du fils n’est plus un petit garçon. Cara Zina transpose dans la fiction une problématique qu’elle connaît bien, puisque son fils est né avec un spina bifida, une malformation de la moelle épinière. Handi-Gang n’a rien d’un autoportrait – c’est une histoire inventée de toutes pièces, et les personnages qui la traversent, à commencer par le héros, ne ressemblent à personne. Mais c’est un récit de fiction nourri de colères, de frustrations et de peine puisées dans un quotidien bien réel.
Dans nos vies, pour beaucoup d’entre nous, le handicap est quelque chose qu’on croise. Qu’on voit de loin. On voit les gens en fauteuil, on rencontre les muets, on croise les autistes, les aveugles… mais on les entend rarement parler de leur vie au jour le jour, d’escaliers en ascenseurs en panne, de vexations en dégueulasseries, de maladresses en imbécilités, de séjours à l’hôpital en tracasseries administratives souvent kafkaïennes. Ce fond d’incompréhension des valides qui au fond continuent de penser que ça ne vaut pas la peine d’aménager la ville pour vivre avec des gens qui ne fonctionnent pas « comme tout le monde ».
Ce qui caractérise Cara Zina, et ici son écriture colle à ce qu’elle est dans la vraie vie, c’est son énergie, ses appétits, et son humour. Quand elle se sert de la fiction pour relater et se venger d’une réalité qui n’a ménagé ni elle ni son fils, elle ne cherche pas la fibre sensible du lecteur pour quémander un peu d’attention. Elle provoque l’empathie mais jamais l’apitoiement et démolit un certain nombre d’évidences de valide avec une joie communicative. Elle est, sur le plan du style, le fruit de la rencontre fortuite entre Bridget Jones qui aurait passé la quarantaine et Edward Bunker qui penserait à s’épiler avant un rendez-vous amoureux. Cara Zina, ça se sent quand on la lit, est nourrie de polars, de romans noirs, de littérature de bonhomme. Mais c’est aussi une pimprenelle forcenée que je n’ai jamais vue sortir sans maquillage, qui peut passer des heures dans sa cuisine et serait presque une incarnation de l’instinct maternel.
Et l’étonnant, dans ses livres, c’est qu’elle marie les deux – son côté légionnaire forcenée, et son côté princesse de conte de fées – avec une jouissive décontraction. Ce n’est pas tiède, ce n’est pas correct, mais c’est tendre, et c’est dynamique. On ne s’ennuie pas une seule seconde, elle n’est pas là pour pondre de belles phrases qu’on poserait sur sa commode mais ça roule, ça emmène, et le rythme ressemble vraiment à celui d’un morceau funky – son livre traite de sujets qui devraient être graves et il donnerait plutôt envie de sortir faire des trucs, voir des gens avant d’aller danser un peu.
C’est son paradoxe, et c’est sa force. Il y a de l’anticapitalisme primaire, dans ce texte, pour la grande joie des lecteurs qui n’en peuvent plus de la complexité déployée dès lors qu’il s’agit de dénoncer des systèmes ineptes, il y a des leçons d’intersectionnalité, et il y a aussi des histoires d’amour, d’amitié déçue, de militantisme parfois conflictuel, de contradictions internes…
On y apprend beaucoup de choses, et on est amené à réfléchir en épousant des points de vue avec lesquels on a rarement l’occasion de s’identifier – parce qu’on regarde rarement la ville à hauteur de fauteuil roulant. Mais j’insiste : on rigole beaucoup. C’est une colère contagieuse, une rage collective, qui tournerait vite à la fête. Jamais victimisant, mais refusant de minimiser la moindre humiliation, c’est un roman rempli de paradoxes, mais compact et direct, comme un uppercut, qui remettrait les idées en place, et qu’on serait content de prendre dans le plexus.

Virginie Despentes