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samedi 25 février 2012 :: Permalien
Nous finalisons en ce moment la dernière lecture-correction des pages non montées de Crack Capitalism. La publication de ce livre n’est donc plus qu’une question de semaines. En attendant, voici la traduction d’un texte très récent de John Holloway sur les mouvements sociaux en Grèce.
Je n’aime pas la violence. Je ne pense pas que l’on gagne beaucoup à brûler des banques et faire tomber des vitrines. Et pourtant, je ressens une poussée de plaisir quand je vois, à Athènes et dans d’autres villes grecques, les réactions à la ratification par le Parlement grec des mesures imposées par l’Union européenne. Voire plus : s’il n’y avait pas eu d’explosion de colère, je me serais senti perdu à la dérive dans un océan de dépression.
Cette joie est celle de voir le ver, trop souvent piétiné, se retourner et rugir. La joie de voir ceux et celles dont les joues ont été claquées milles fois, rendre la claque. Comment peut-on demander à des gens d’accepter docilement les coupes drastiques, qu’impliquent les mesures d’austérité, dans leurs niveaux de vie ? Doit-on souhaiter qu’ils acceptent simplement que l’énorme potentiel créatif de tant de jeunes gens soit noyé, leurs talents piégés dans une vie de chômage de masse et de longue durée ? Tout cela pour que les banques soient remboursées, et que les riches puissent s’enrichir ? Tout cela, seulement pour maintenir en vie un système capitaliste qui a depuis longtemps dépassé sa date de péremption, et qui n’offre aujourd’hui au monde rien d’autre que la destruction ? Que les Grecs acceptent ces mesures ne serait que l’augmentation exponentielle de la dépression, celle de l’échec d’un système aggravé par la dépression de la dignité perdue.
La violence des réactions en Grèce est un cri qui traverse la planète. Combien de temps encore resterons-nous assis, à regarder le monde être disloqué par ces barbares, les riches, les banques ? Combien de temps encore supporterons-nous de voir les injustices augmenter, les services de santé démantelés, l’éducation réduite au non-sens acritique, les ressources en eau être privatisées, les solidarités anéanties, et la terre éventrée pour le seul profit des industries minières ?
Cette offensive, qui est si manifeste en Grèce, a lieu partout sur la Terre. Partout, l’argent soumet les vies humaines et non-humaines à sa logique, celle du profit. Ce n’est pas nouveau, c’est l’ampleur et l’intensité de cette offensive qui l’est. Ce qui est également nouveau, c’est la conscience générale que cette dynamique est une dynamique de mort, que nous allons droit vers l’annihilation de la vie humaine sur Terre. Quand les commentateurs avisés détaillent les dernières négociations entre les gouvernements sur l’avenir de la zone-Euro, ils oublient de mentionner que ce qui s’y négocie allègrement est le futur de l’humanité.
Nous sommes tous grecs. Nous sommes tous des acteurs dont la subjectivité est tout simplement écrasée par le rouleau-compresseur d’une histoire écrite par les marchés financiers. C’est en tout cas ce à quoi cela ressemble, et ce que les marchés devraient récolter. Des millions d’Italiens ont protesté et manifesté, encore et encore, contre Silvio Berlusconi ; mais ce sont les marchés financiers qui l’ont destitué. Il en va de même en Grèce : de manifestations en manifestations contre George Papandreou, ce sont finalement les marchés financiers qui l’ont congédié. Dans les deux cas, des serviteurs avérés et bien connus de l’argent ont pris la place de ces politiciens déchus, sans même l’excuse d’une consultation populaire. Ce n’est même pas l’histoire écrite par les riches et les puissants, bien que certains d’entre eux en profitent : c’est l’histoire déterminée par une dynamique que personne ne contrôle, une dynamique qui détruit ce monde… si nous la laissons faire.
Les flammes d’Athènes sont des flammes de rage, et nous y réchauffons notre joie. Pourtant, la rage est dangereuse. Si elle est personnalisée ou qu’elle se retourne contre des groupes en particulier – ici, contre les Allemands – elle peut très facilement devenir purement destructrice à son tour. Ce n’est pas un hasard si le premier membre du gouvernement Grec à avoir démissionné en signe de protestation contre les mesures d’austérité est le leader d’un parti d’extrême droite, Laos. La rage peut si facilement devenir une rage nationaliste, ou même fasciste ; une rage qui en aucun cas ne peut rendre ce monde meilleur. Il est alors essentiel d’être clair : notre rage n’est pas une rage contre les Allemands, ni même une rage contre Angela Merkel, David Cameron ou Nicolas Sarkozy. Ces politiciens ne sont que les symboles pitoyables et arrogants de l’objet réel de notre rage – la loi de l’argent, la soumission de toute forme de vie à la logique du profit.
L’amour et la rage, la rage et l’amour. L’amour a été une thématique importante dans les luttes qui ont redéfini le sens de la politique ces dernières années, une thématique omniprésente dans les mouvements « Occupy », un sentiment profond présent même dans les affrontements violents aux quatre coins du globe. L’amour marche main dans la main avec la rage, la rage du « comment osent-ils nous séparer de nos propres vies, comment osent-ils nous traiter en objet ? » La rage d’un autre monde qui se fraie un chemin à travers l’obscénité du monde qui nous entoure. Peut-être.
Cette irruption d’un monde différent n’est pas qu’une question de rage, bien que la rage en fasse partie. Elle implique nécessairement la construction patiente d’autres manières d’agir, la création de différentes formes de cohésion sociale et de soutiens mutuels. Derrière le spectacle des banques grecques en feu repose un profond processus, le mouvement silencieux de ceux et celles qui refusent de payer les transports en commun, les factures d’électricité, les péages, les crédits… un mouvement émergeant de la nécessité et de la conviction, fait de personnes organisant leur vie différemment, créant de la solidarité et des réseaux d’alimentation, squattant des terres et des bâtiments vides, cultivant des jardins partagés, retournant à la campagne, tournant le dos aux politiciens – qui ont désormais peur de se montrer en public – et inaugurant directement des formes de discussion et de prise de décisions sociales. Cela est peut-être encore insuffisant, encore expérimental, mais cela est crucial. Derrières les flammes spectaculaires, se tiennent la recherche et la création d’un mode de vie différent qui déterminera le futur de la Grèce, et du monde.
Le mouvement social grec demande le soutien de la Terre entière. Nous sommes tous grecs.
John Holloway
Traduit de l’anglais par Julien Bordier
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John Holloway est l’auteur de Changer le monde sans prendre le pouvoir (Lux/Syllepse) et de Crack Capitalism (à paraître aux éditions Libertalia), il contribue régulièrement à la revue internationale de théorie critique Variations.
jeudi 2 février 2012 :: Permalien
Notre ami et camarade Yann Levy, auteur du livre Marge(s) multiplie les recherches et reportages photographiques. Il était à Athènes il y a quelques semaines. Trois de ses photos ont été publiées cette semaine dans l’édition papier des Inrockuptibles. En voici un aperçu.
Pour en voir davantage, il suffit de visiter son blog.
lundi 30 janvier 2012 :: Permalien
Voici l’entretien publié dans Le Combat syndicaliste du mois de janvier 2012, numéro 364, à l’occasion d’un dossier spécial consacré à l’édition indépendante.
Une petite présentation des éditions.
Libertalia est une maison d’édition associative qui a commencé à publier en 2007. À ce jour, au catalogue, nous avons une petite trentaine d’ouvrages fort divers, allant de la littérature sociale à l’étude sociologique, sans oublier le pamphlet ou les « beaux livres ». Le nom renvoie à la geste piratesque. Il s’agit d’une des nombreuses maisons d’édition indépendantes de critique sociale.
Dans un système livre où règnent la concentration et le monopole des grands groupes capitalistiques, il semble que diffusions et distributions sont à revoir.
D’abord, il faut présenter rapidement la chaîne du livre. L’auteur écrit, l’éditeur… édite (donc prépare la copie, corrige, met en page et fait imprimer), le diffuseur assure la partie commerciale (les représentants proposent aux libraires les nouveautés à paraître), le distributeur assure l’expédition, la gestion des réassorts et des retours, et la facturation. Au bout de la chaîne, à l’avant-dernier maillon avant le lecteur, on trouve évidemment le libraire. Un livre vendu en librairie rapporte en moyenne 35 % du prix au libraire, 25 % au diffuseur-distributeur, 40 % à l’éditeur (qui assume les coûts d’impression, de traduction, de correction, etc.). L’équilibre étant fragile sur le marché du livre, il peut être tentant de maîtriser toute la chaîne. Hachette (groupe Lagardère) est donc éditeur, mais possède sa structure de diffusion et de distribution, ainsi que ses propres points de vente (les boutiques Relay, notamment). Idem pour Gallimard, dont la filiale de distribution est la Sodis.
Pouvez-nous parler de votre choix de Court-circuit comme diffuseur ?
Quand on parle de diffusion/distribution, il faut bien comprendre qu’un éditeur n’est jamais satisfait. Pour notre part, n’ayant aucun titre au catalogue début 2007 et aucune expérience dans le monde du livre, il a bien fallu nous faire connaître. Nous sommes allés chez un petit diffuseur avec lequel nous partagions des proximités idéologiques. Nous serions ravis que Court-Circuit (deux représentants) se développe, mais il en va du livre comme du disque : un groupe édite son premier album chez un label indépendant, puis, si celui-ci se vend bien, il sera courtisé par une major type Universal. Plusieurs éditeurs ont donc choisi de quitter Court-Circuit pour rejoindre d’autres diffuseurs plus importants (qui ont davantage de représentants, « la force de vente », et qui assurent un placement initial plus élevé) comme Les Belles Lettres ou Harmonia Mundi. Ce n’est pas notre choix. Nous pensons qu’il faut aider les petites structures alternatives et indépendantes à se développer. Plusieurs ont disparu ces dernières années.
Vous choisissez de vendre vos livres directement sur votre site, pourquoi ?
Nous vendons en effet nos livres sur notre site Internet. Cela nous permet de répondre plus rapidement à la demande de certains lecteurs et cela nous rapporte immédiatement des sommes dont nous avons grandement besoin pour financer les livres suivants.
Quelles alternatives avez-vous pu trouver au circuit traditionnel ?
On touche là au cœur du débat. Et nul éditeur n’a la réponse. Ni Éric Hazan (La Fabrique) quand il édite Le Livre, que faire ? ou les ouvrages d’André Schiffrin (L’Édition sans éditeurs, L’Argent et les Mots) ni Thierry Discepolo (Agone) dans La Trahison des éditeurs. Il y a un constat initial accablant : l’édition est aux mains de grands groupes d’armement ou de requins de la presse eux-mêmes liés à leurs actionnaires qui exigent de gras dividendes. Ils éditent des livres rémunérateurs (cuisine/jardinage/éditocratie) vendus dans tous les espaces, en particulier les grandes surfaces. Les éditeurs indépendants s’accordent à dire qu’il faut d’abord aider la librairie indépendante à survivre, ce qu’elle doit en partie au prix unique du livre. Ils ont tendance à trop attendre de l’État ou des collectivités publiques. Cela ne suffit pas : il faut que le livre sorte de la librairie, même si elle reste son territoire privilégié, et qu’il perde son caractère élitiste. Il y a une dizaine d’années, les éditions L’Insomniaque proposaient une petite collection de livres disponibles dans les bars. D’autres ont tenté d’organiser des clubs du livre. André Schiffrin relate l’exemple de coopératives de lecteurs. Il faut emprunter toutes ces pistes : on doit croiser le livre en allant boire un verre, en allant au ciné, à un concert, ou en faisant ses courses au marché, donc multiplier sa visibilité.
Permettez-vous que l’on trouve vos livres sur des sites comme Amazon, Price Minister ? Pourquoi ?
Tout simplement parce qu’Amazon a un poids croissant dans la vente de livres et que refuser d’y apparaître, c’est perdre beaucoup de lecteurs. Pour la petite histoire, Amazon exige 50 à 52 % de remise sur le prix du livre, bien plus que n’importe quel petit libraire.
Pourquoi ce choix de ne recevoir aucune aide de l’État ?
Nous n’avons jamais reçu d’aides de l’État, mais nous avons déjà sollicité (en vain) le Centre national du livre à deux reprises pour nous aider à mieux rémunérer la traduction de la thèse de Marcus Rediker (Les Forçats de la mer, paru en juillet 2010) et Crack Capitalism de John Holloway (à paraître en mars ou avril 2012). Une traduction, ça coûte très cher, (on arrive rapidement à 8 000/12 000 euros) et ça fait souvent perdre de l’argent, c’est la raison pour laquelle les marchands d’armes qui se mêlent d’édition en publient aussi peu. Nous ne sommes donc pas opposés par principe aux aides de l’État ; nous regrettons néanmoins que certains éditeurs indépendants soient si dépendants des aides des collectivités territoriales (municipalités, conseil général, conseil régional) ou du CNL. Quand le financement public représente la moitié du budget annuel d’une maison d’édition, la survie est artificielle.
Quelle importance mettez-vous dans le fait que votre maison soit à but non lucratif ?
Libertalia pratique des prix assez bas, de 6 à 20 euros (en fonction des coûts de fabrication). Contrairement à d’autres maisons d’édition libertaires, nous versons des droits d’auteur et nous rémunérons le travail des traducteurs et des illustrateurs ; parfois, quand nos finances le permettent, nous proposons des à-valoir. Parmi les trois principaux animateurs de la maison d’édition, il y a un graphiste, une correctrice, un prof de français. Nous ne vivons pas de la maison d’édition, mais c’est un choix autant qu’une nécessité. Éditer des livres qui parlent d’alternative révolutionnaire sans se confronter au réel, est-ce bien cohérent ? Si nous en avions la possibilité financière, peut-être n’enseignerais-je qu’à mi-temps, cela libérerait les soirées et les week-ends.
Que pensez-vous de l’idée développée dans le livre de Thierry Discepolo, La Trahison des éditeurs, que les auteurs dont les livres luttent contre le système capitaliste devraient choisir des maisons en adéquation avec leur propos ? Et comment finalement tous les questionnements dans ce sens sont éludés ?
Agone est une maison d’édition qui fait un travail souvent remarquable. Pour autant, le livre de Thierry Discepolo manque parfois sa cible et s’en tient à des vœux pieux. Il reproche en filigrane à ses amis du Monde diplomatique de publier chez Fayard. Mais est-il en mesure de leur proposer une pareille diffusion ? Or un auteur souhaite d’abord et avant tout être lu par le plus grand nombre. Il reproche également à La Découverte d’appartenir à Éditis, donc au groupe espagnol Planeta. Thierry Discepolo grince des dents quand un livre comme Le Président des riches (Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, label Zones, La Découverte) rapporte tant aux actionnaires du groupe Planeta, il a raison. Néanmoins, que dire quand La Découverte verse des à-valoir conséquents à des journalistes d’investigation et à des sociologues et favorise ainsi le travail de critique du système capitaliste ? Faut-il s’attaquer à Hugues Jallon, ancien directeur éditorial de La Découverte passé au Seuil au prétexte qu’il serait vendu au grand capital ? Et qu’en conclure quand le même Hugues Jallon publie un texte aux éditions La Fabrique ?
mercredi 11 janvier 2012 :: Permalien
Retour à Killybegs.
Sorj Chalandon.
Grasset, 336 pages, 20 euros.
Amateurs de récit social, de roman d’aventures ou de polar ; guérilleros en herbe et militants révolutionnaires ; amoureux d’une langue imagée et châtiée, presque emphatique, ne manquez pas Retour à Killybegs, le dernier roman de Sorj Chalandon, vous vous priveriez d’un beau moment de lecture.
Trois ans après Mon traître (Grasset, disponible en poche), Chalandon inverse le point de vue. Le narrateur-personnage n’est plus Antoine Chalons, le petit luthier parisien amoureux de l’Irlande du Nord et farouche partisan de l’IRA, mais Tyrone Meehan, un des chefs de l’Armée républicaine irlandaise, celui qui trahit.
Mon traître nous questionnait quant au soutien et à la solidarité qu’un individu peut manifester envers une lutte de libération nationale qui n’est pas la sienne. Retour à Killybegs va plus loin encore en interrogeant les tréfonds de notre âme : pourquoi s’engage-t-on ? Pourquoi choisir, à un moment, de prendre les armes ? Comment peut-on trahir ? Le traître est-il un salaud ? Comment passe-t-on si vite de l’adulation à l’ostracisme ?
En quelque trois cents pages parfois bavardes, Chalandon dresse le portrait d’un fils du peuple d’Irlande embarqué dans les péripéties d’un siècle qui le dépasse. Où l’on revit – avec force analepses – toute l’histoire du pays, de l’insurrection de Pâques (1916) au cessez-le-feu des années 1990, sans oublier les années noires de la Seconde Guerre mondiale.
Hommage aux prisonniers républicains, à un peuple, à une ville (Belfast), à un combat, ce livre poignant, inspiré de faits réels, a reçu le… Grand Prix de l’Académie française.
Extrait, page 236 : « Alors j’ai renoncé à mourir. À vivre aussi. Je serais ailleurs, entre ciel et terre. Je les emmerderais tous ! Les Brits, l’IRA, ces donneurs d’ordres ! Je n’en pouvais plus de cette guerre, de ces héros, de cette communauté étouffante. J’étais fatigué. Fatigué de combattre, de manifester, fatigué de prison, fatigué de clandestinité et de silence, fatigué des prières répétées depuis l’enfance, fatigué de haine, de colère et de peur, fatigué de nos peaux terreuses, de nos chaussures percées, de nos manteaux de pluie mouillés à l’intérieur. Séanna mon frère me hurlait aux oreilles. Je reprenais mot à mot ses slogans désarmés. Qu’est-ce qu’elle avait fait pour moi la République ? Les beaux, les grands, les vrais, les Tom Williams, les Danny Finley, étaient morts avec notre jeunesse ! Enterrés avec nos livres d’histoire, Connolly, Pearse, tous ces hommes à cravates et cols ronds ! Nous étions des copistes, des pasticheurs de gloire. Nous rejouions sans cesse les chants anciens. Nous étions d’âme, de chair et de briques, face à un acier sans cœur. Nous allions perdre. Nous avions perdu. J’avais perdu. Et je ne ferais pas à l’Irlande l’offrande d’une autre vie. »
N.N.
vendredi 21 octobre 2011 :: Permalien
Tina Modotti.
Ángel de la Calle (traduit de l’espagnol par Rachel Viné-Krupa).
Coédition Vertige Graphic / Envie de lire, 270 pages, 26 euros.
Héroïne de fiction, Tina Modotti ? Sans nul doute si l’on suit la trace d’Ángel de la Calle, son biographe dessinateur.
Née en 1896 à Udine (Italie), la belle Tina quitte rapidement la Péninsule pour l’Ouest américain. Actrice à Hollywood, muse du photographe Edward Weston, elle s’installe à Mexico au milieu des années 1920. Elle y rencontre de turbulents artistes, au premier rang desquels Frida Kahlo et Diego Rivera, apprend la photographie et devient une créatrice prodigieuse. Cette experte en très gros plan et en plan rapproché chante le peuple mexicain dans son quotidien. Personnage people avant l’heure, la presse la soupçonne de complicité dans l’assassinat de son compagnon Julio Antonio Mella, l’un des fondateurs du Parti communiste cubain. Expulsée vers la vieille Europe, elle vivra à Berlin puis à Moscou (où elle ne se plaît pas) et ne retouchera jamais à son appareil, délaissant l’art pour embrasser la révolution stalinienne et l’agent secret Vittorio Vidali, alias Carlos Contreras. Elle mourra à Mexico, en 1942, usée trop tôt.
Tenter de peindre une artiste qui incarna les tourments du XXe siècle – sans rien cacher des zones d’ombre – était audacieux. Pari réussi pour Ángel de la Calle et l’éditeur indépendant Vertige Graphic.
N.N.