Le blog des éditions Libertalia

L’Homme hérissé dans Le Caoua des idées

lundi 14 décembre 2020 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Publié dans Le Caoua des idées, 11 décembre 2020.

Un coordonnier pasolinien

Il y a des livres dont la nécessité revient comme un entêtement. C’est le cas de ce Liabeuf, tueur de flics, signé Yves Pagès bien avant qu’il ne dirige les éditions Verticales. Ce livre a vingt-cinq ans. Il est né d’une commande des éditions Fleuve noir qui, vers 1993, avait lancé une collection de poche, « Crime Story », racontant de façon à la fois populaire mais documentée des faits divers célèbres. Je me souviens que Claro (qu’on ne présente plus) y avait signé, à propos de l’affaire Troppmann, un Massacre de Pantin de belle facture, la figure de cet assassin étant aussi récurrente dans Livre XIX, le gros pynchonien roman que Claro publierait en 1997 aux éditions Verticales. Ayant touché un solide à-valoir de 20 000 francs, Yves Pagès se mit d’autant plus vite au travail que Liabeuf était un personnage important de la thèse qu’il venait d’achever sur Louis-Ferdinand Céline et l’anarchie, mais pas assez vite : lorsqu’il l’achève, la collection, en dépit de ses couvertures illustrées pétaradantes, a mis la clef sous la porte. L’histoire de ce cordonnier « pasolinien » (dixit Pagès) condamné à tort pour proxénétisme par des policiers ripoux de la brigade des mœurs qui, en 1910, lave son honneur en attaquant sept flics avec un manteau en lames de couteau qu’il s’est fabriqué (d’où le titre L’Homme hérissé), paraîtra pour la première fois en 2001 à L’Insomniaque, une deuxième en 2009 dans la collection « Baleine noire », et aujourd’hui donc, dans une version revue et corrigée, chez Libertalia. Si le plaisir de lecture, relatif au public visé à l’origine du projet, est toujours aussi vif (« Il est six heures du soir passées et seuls quelques lumignons blafards éclairent la devanture de la Mère Navarre, rue Beaubourg. Le ventre de Paris a soif »), sa résonance change, elle, en fonction de l’époque. La nôtre ne peut être que sensible à ce moment vieux d’un siècle de l’histoire de France où la presse usera du cas Liabeuf, et de sa liberté d’expression, pour mettre en accusation la police et ses méthodes.

Arnaud Viviant

Christophe Naudin dans La grande librairie sur France 5

jeudi 10 décembre 2020 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Christophe Naudin était l’invité de François Busnel dans l’émission La grande librairie du 9 décembre 2020 sur France 5 pour son Journal d’un rescapé du Bataclan.
À retrouver sur le replay de France Télévision :
www.france.tv/france-5/la-grande-librairie/la-grande-librairie-saison-13/2110297-emission-du-mercredi-9-decembre-2020.html

Journal d’un rescapé du Bataclan dans Le Canard enchaîné

lundi 7 décembre 2020 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Publié dans Le Canard enchaîné du 2 décembre 2020.

Résilience particulière

Il n’a pas l’intention de pardonner. Mais il veut comprendre. Et, pour lui, comprendre n’est pas pardonner (comme le prétendent d’autres). Les terroristes sous le feu desquels il s’est trouvé au Bataclan, ce soir du vendredi 13 novembre 2015, il n’a « jamais ressenti que du mépris, pas de la haine » envers eux. Ce qui ne l’empêche pas de vouloir saisir les raisons qui les ont conduits à lui tirer dessus, à tuer son ami Vincent et tant d’autres.
Historien, Christophe Naudin enseigne dans un collège du Val-de-Marne. Il a travaillé sur l’Islam médiéval et sur les usages politiques de l’Histoire. Engagé à la gauche de la gauche, longtemps lecteur de Charlie, il essaie de penser ce qu’il lui est arrivé. Ce qu’il raconte ici, ce n’est pas la soirée du Bataclan, dont il ne dit que des bribes. Il livre les trois années du journal qu’il a commencé à tenir trois semaines après le massacre.
Ses réflexions, ses doutes, sa reconstruction. Ses élèves, qui le soutiennent avec « beaucoup de pudeur », ses collègues, sa psy, la compagne qu’il a rencontrée depuis. Son pouilly-fumé, un concert d’Iggy Pop, ses insomnies. L’actualité qui vient le percuter (le massacre d’Orlando, Saint-Étienne-du-Rouvray), la vie quotidienne et « l’impression diffuse que quelque chose peut arriver et briser tout ça ». Les commémorations qui font tout remonter à la mémoire, les autres rescapés avec lesquels il échange, l’importance de ces rencontres, du programme Remember, qui a pour but de collecter tous les témoignages des victimes, sa conviction qu’ils constitueront « des sources indispensables pour comprendre et expliquer cette période, dans le futur ».
Et sa volonté de comprendre. Son effarement de voir s’affronter dans les médias « des camps caricaturaux » enchaînant de pseudo-analyses sur le terrorisme. D’un côté les « islamitophiles », terme qu’il préfère à celui « d’islamo-gauchistes », utilisé par les islamophobes ; de l’autre ces derniers : trop simpliste pour être honnête. S’il tient à « ne pas écarter les raisons sociales, psychologiques et surtout politiques qui motivent plus ou moins les terroristes », il ne supporte plus ceux qui s’échinent à leur trouver de bonnes excuses : « Quand je lis que ces derniers ont “mis des mots jihadistes sur une violence sociale”, encore aujourd’hui mon sentiment balance entre exaspération, pitié et rire nerveux. » en homme libre et intègre, il dit, vivement, abruptement parfois, sa, ses vérités.
Dans sa très éclairante postface (à lire de préférence avant !), il rappelle en passant la « menace toujours latente » du terrorisme sur les établissements scolaires. Ce livre, nécessaire, est arrivé dans les bacs des librairies quelques jours après l’assassinat de Samuel Paty.

Jean-Luc Porquet

Journal d’un rescapé du Bataclan dans Politis

lundi 7 décembre 2020 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Publié dans Politis, le 2 décembre 2020.

Comprendre,
même le pire

Christophe Naudin est rescapé des attentats du Bataclan. Il est aussi historien et enseignant dans un collège. Dès les lendemains du drame au cours duquel il a perdu son meilleur ami, il décide de commencer un journal de bord. On y découvre les étapes lentes et souvent douloureuses d’une réparation qui passe par la thérapie, la rencontre amoureuse, mais aussi la mise à distance critique d’un événement qui marque la mémoire au fer rouge. Le journal et laissé tel quel, sans retouches, c’est un choix. Les propos y sont durs pour une partie de sa famille politique, à gauche, jugée trop complaisante. Mais une postface lui donne le relief d’une analyse d’historien toujours soucieux de comprendre, même le pire.

Mathilde Larrère et Laurence De Cock

Entretien avec Nedjib Sidi Moussa dans Le Caoua des idées

mardi 1er décembre 2020 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Entretien publié dans Le Caoua des idées, numéro 17, novembre 2020.

Dans votre ouvrage paru en 2017, vous expliquiez que « la fabrique du musulman est une coproduction des extrêmes droites en terre d’islam et en Occident ». Quatre ans après, pouvez-vous nous dire en quoi les derniers attentats renforcent cette réalité ?

Dans mon essai, j’ai cherché à analyser la formation d’une nouvelle caste, c’est-à-dire un groupe social fermé dont on ne peut sortir en raison de son origine ou de son culte supposés. Nous avons vu apparaître depuis le début du XXIe siècle, un nouveau sujet, le Musulman qui n’est ni nécessairement croyant, ni forcément pratiquant, mais que la pression conjuguée des extrêmes droites politiques et religieuses contribue à réduire à une identité religieuse. Ce qui est davantage compatible avec la grille de lecture du « choc des civilisations » qu’avec une compréhension des conflits sociaux en termes de lutte des classes. D’autres forces politiques participent de ce réductionnisme confessionnel, notamment certains courants de gauche qui, au nom d’une conception particulière de l’antiracisme, délaissent l’anticléricalisme et contribuent à essentialiser positivement le Musulman en réponse aux discours de haine. De fait, chaque vague d’attentats islamistes contribue à accroître la tension, en provoquant la peur et la sidération, dans l’objectif de rigidifier les frontières entre les appartenances réelles ou supposées à une communauté.

En 2017, vous pointiez, en France, des convergences idéologiques (extrême droite et extrême gauche post-léniniste) autour de la fabrication de la race. Ce phénomène a-t-il disparu ?

Ce phénomène a plutôt tendance à se banaliser. Cartouches, une publication de la Nouvelle Droite, déplorait en août 1998 que « dans la France du XXe siècle finissant, il ne fait pas bon de parler de races ». De nos jours, on pourrait dire qu’il est malvenu de récuser l’emploi du concept de « race », en particulier dans les milieux militants qui se réclament de l’antiracisme politique mais aussi dans les cercles universitaires et les espaces médiatiques qui légitiment ou diffusent un discours racialiste. Le choc provoqué aux États-Unis par la mort de George Floyd a donné l’occasion aux intervenants convaincus de la pertinence d’une approche intersectionnelle de promouvoir des notions pourtant discutables comme « privilège blanc » et « racisés », ainsi que le recours aux statistiques ethno-raciales, voire à la non-mixité raciale. Pendant ce temps, le suprémaciste blanc Daniel Conversano appelle à « se concentrer sur l’essentiel, sur la race et la famille ». On pense alors à l’activiste décoloniale Houria Bouteldja qui écrivait : « J’appartiens à ma famille, à mon clan, à mon quartier, à ma race, à l’Algérie, à l’islam. »

Vous soulignez qu’une partie de la gauche a toujours été aveugle et sourde face au totalitarisme mais d’autres figures se sont élevées pour le dénoncer, ces derniers existent-ils encore ?

En effet, je souhaitais rappeler qu’en dépit des aveuglements et catastrophes des décennies précédentes, il avait toujours existé des points d’appui, certes modestes, ou des voix, jamais assez écoutées, au sein d’une gauche trop souvent influencée par les courants autoritaires et nationalistes. Au cours de la dernière période, j’ai lu ou relu des auteurs du siècle dernier comme Theodor W. Adorno, Sadik Jalal al-Azm, Günther Anders, Hannah Arendt, Albert Camus, Guy Debord, Joseph Gabel, George Orwell, Mezioud Ouldamer, Maxime Rodinson, etc. Je me retrouve aujourd’hui aux côtés de ceux qui, non seulement dénoncent le totalitarisme, mais s’efforcent dans le même mouvement de combattre l’exploitation, l’oppression et l’aliénation sous toutes leurs formes. »

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LES RENTIERS DU RACIALISME

Publié chez un éditeur libertaire, La Fabrique du Musulman propose un retour aux sources de l’analyse politique. Rompre avec le religieux et l’ethnique pour retrouver des questions sociales et politiques. Thèse : « Le vrai “grand remplacement” concerne celui de la figure de l’Arabe par celle du “Musulman”. » L’auteur démêle l’écheveau identitaire qui s’est imposé depuis une quinzaine d’années, et un formatage de pensée qui convient autant aux penseurs réactionnaires qu’à ladite « gauche de la gauche », sans oublier les militants de l’islam politique. Historien et politiste, Nedjib Sidi Moussa analyse cette combinaison, inconcevable il y a encore quelques années, qui catalyse en une nouvelle caste les rentiers de la race que sont les racistes, les antiracistes et les « entrepreneurs communautaires ».
Le chercheur a récemment publié Algérie une autre histoire de l’indépendance. Trajectoires révolution- naires des partisans de Messali Hadj (PUF, 2019). Les deux ouvrages se rejoignent dans les interrogations soulevées. Les questions sociales, nationales et démocratiques ont été centrales chez les messalistes défaits par le FLN, elles le sont encore aujourd’hui.

SB